Casse

Nadège Trebal

  • 2014
  • 1h27

En banlieue, dans le parc de démontage d’une casse automobile, à travers le démantèlement des voitures accidentées et des épaves, les clients échoués, venant du monde entier, viennent dénicher leur bonheur à ciel ouvert et d’entre tous les vestiges, viennent peupler le film. À travers cet océan d’épaves à ciel ouvert, le monde se monte, et se démonte à chaque rencontre…

Avec un mélange d’élégance et de précision, Trébal filme un âpre corps à corps entre les hommes et les machines, avec ces positions couchées, pliées, tordues, avec ces mains qui plongent littéralement dans le cambouis pour dévisser une pompe à huile, récupérer un radiateur ou un pare-brise, collecter un piston ou une plaquette de frein. Ces ferrailleurs-glaneurs sont originaires d’Afrique noire, du Maghreb ou de Serbie, ils malaxent la langue française avec leur langue maternelle. Car tout en travaillant pour leur survie, ils parlent, racontent leur vie d’exploités, leurs relations avec leurs enfants, leurs rêves et désillusions, leurs difficultés d’intégration Leurs récits sont tour à tour drôles, tristes, résignés, poignants. Parfois, ils sont filmés comme des statues straubiennes, mi-dieux mi-gueux. Il y a un parallèle évident entre les épaves automobiles et ces individus mis au rebut de la société : la casse du titre concerne autant la bagnole que le social. Avec son regard sensuel, poétique et politique, avec humilité et sans se monter du col, Nadège Trébal filme rien moins que le prolétariat écrasé mais glorieusement ingénieux et le stade terminal du circuit capitaliste des marchandises. (Les Inrocks)