đ Vingt Dieux â UniversitĂ© de Caen
mardi 11 février 2025 | 20h00
Université de Caen > Amphi Daure
Venez assister Ă la projection de « Vingt Dieux » le mardi 11 fĂ©vrier Ă l’Amphi Pierre DAURE ! Nous vous donnons RDV Ă 20h00 !
Mardi 11 février | Amphi Pierre DAURE | 20h00
Vingt dieux âšÂ Prix de la jeunesse du Festival de Cannes 2024
De Louise Courvoisier| Par Louise Courvoisier, ThĂ©o Abadie | Avec ClĂ©ment Faveau, MaĂŻwĂšne Barthelemy, Luna Garret | Drame | 1h 30minÂ
Tout public
Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps Ă boire des biĂšres et Ă©cumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la rĂ©alitĂ© le rattrape : il doit sâoccuper de sa petite sĆur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en teÌte de fabriquer le meilleur comteÌ de la rĂ©gion, celui avec lequel il remporterait la meÌdaille dâor du concours agricole et 30 000 euros.
Le film : Vingt dieux
Louise Courvoisier
Avec Clément Faveau, MaïwÚne Barthelemy, Luna Garret
- France
- VF
- 2024
- 1h30
- Tout public
Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps Ă boire des biĂšres et Ă©cumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la rĂ©alitĂ© le rattrape : il doit sâoccuper de sa petite sĆur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en teÌte de fabriquer le meilleur comteÌ de la rĂ©gion, celui avec lequel il remporterait la meÌdaille dâor du concours agricole et 30 000 euros.
Quand la jeunesse sâen mĂȘle – Critique de ChloĂ© Cluzel (UniversitĂ© de Caen)
Le voyage des goĂ»ts et des couleurs donne le ton Ă ce film aux milles nuances, aux milles saveurs. Vingt Dieux, Ă©crit et rĂ©alisĂ© par Louise Courvoisier, est un film oscillant entre le drame et la comĂ©die oĂč les pulsions de colĂšres se mĂȘlent aux battements de cĆurs puis viennent finir leur courses dans de petits recoins de sourires esquissĂ©s. Câest un havre de paix dâune durĂ©e dâune heure trente dans lequel on se plonge. On y retrouve dans leur plus bel apparat ; les champs, la forĂȘt et les vaches ; de terre et de lait.
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Ce film raconte par les thĂšmes de la famille, de lâamour, du travail et de lâambition lâhistoire de Totone, qui, ĂągĂ© de 18 ans, se voit du jour au lendemain obligĂ© de subvenir aux besoins de la famille qui lui reste, en tentant de trouver un moyen simple et rapide pour gagner de lâargent. Sur son chemin de campagne, et dans le milieu dans lequel il a grandi, ce qui sâavĂšre ĂȘtre le mieux pour honorer le savoir-faire de sa famille et de ses proches, câest de fabriquer le meilleur comtĂ© de la rĂ©gion, grĂące auquel « il remporterait la mĂ©daille dâor du concours agricole et 30 000 euros ».
Câest une dĂ©cision importante et pas anodine pour autant. Car en ayant volĂ© le lait gagnant de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente pour se lancer dans sa fabrication, Totone tentera malgrĂ© tout dâarranger les pots cassĂ©s, en assumant ses choix, aussi immoraux soient-ils. Le processus de fabrication du comtĂ© sâexpose dans ce film comme la recette parfaite de la croissance chez lâadolescent. Car quand la croĂ»te extĂ©rieure sâaccommode Ă rendre visible la solide carapace derriĂšre laquelle se cache Totone, il en dĂ©coule alors un fin brin de sentiments venant emballer le cĆur de ce dernier.
Câest exactement lors de ces scĂšnes de fabrication du comtĂ© que lâon comprend, Ă la fois la dĂ©tresse de Totone, mais Ă©galement la volontĂ© dĂ©chirante qui lâanime et qui lui permet de voir plus grand, peut-ĂȘtre un peu trop dâailleurs, ce dont il dĂ©sire. Ses multiples tentatives pour arriver Ă ses fins sont dĂ©terminantes et permettent, les unes Ă la suite des autres, de comprendre mĂ©taphoriquement comment lui-mĂȘme fabrique sa propre renaissance.
Câest pourquoi, ce qui pourrait sâamener tel le rĂ©cit initiatique dâun jeune garçon plein dâambition, perdu dans les mĂ©andres dâun dĂ©sespoir endeuillĂ©, va en rĂ©alitĂ© se mĂȘler Ă la douceur dâune fiction, oĂč grandir et prendre sa vie en main rime avec maturation. Dâabord, il coagule, il caille, puis il sâaffine. On dit que, quand il est trop jeune, il a encore tout Ă apprendre, quâil manque de goĂ»t et que seul le temps saura faire les choses. Mais nâest-ce pas simplement Ă travers cette volontĂ© quâa Totone de considĂ©rer le monde, lâamour et lâamitiĂ© tel un ferment quâintervient la nature olfactive du film ? Et ce, au croisement de son caractĂšre et de sa texture.
Lâaffaire de famille et dâamitiĂ© joue sur le sensible barbelĂ© de la vie. Celui qui pique, qui Ă©corche. Celui sur lequel on sâappuie quand le fil lui-mĂȘme nâest plus apte Ă dĂ©limiter le cadre. Lâunivers dans lequel on entre est lĂ©ger et pesant Ă la fois. Il y a comme une binaritĂ© naturelle vouĂ©e Ă nous tenir la main et nous serrer le cĆur. Que ce soit dans son fond ou dans sa forme, le travail dâĂ©quipe aura toujours primĂ© sur ce film. Il aura toujours su manier, du bout des doigts, la rĂ©alisation dâune Ćuvre qui rend fiers ses crĂ©ateurs et spectateurs. Et au cinĂ©ma comme dans les champs, il nây a quâĂ celui ou celle qui y plonge Ă cĆur joie que le monde de couleurs et dâodeurs sâoctroie.
Au-delĂ du voyage quâil nous donne Ă voir, Vingt-Dieux a la grande capacitĂ© de nous mener par la main Ă entrer dans ces paysages, en nous ouvrant le regard sur ces plaines. Pleines de vie. Il y a comme lâenvie de faire revivre aux spectateurs les plus belles annĂ©es de la jeunesse au cinĂ©ma. En ces temps oĂč le western formatait le cadre et oĂč la Nouvelle Vague creusait le fond.
Vivre jeune, câest vivre sous lâĂ©motion. Vivre libre, avec passion. Et ces jeunes acteurs, qui nâont pour certains de professionnel que lâaspiration, permettent Ă tout spectateur qui accepte le voyage lâidentification. Câest, pour les plus ĂągĂ©s, un retour dans le passĂ©, et pour les plus jeunes, un moyen de croiser les aĂźnĂ©s. Plus besoin de mots quand lâimage parle dâelle-mĂȘme, quand elle recĂšle en son sein toute la beautĂ© dâun monde vivant de ses richesses et riche de ses prouesses.
Dans les salles, la fiertĂ© des spectateurs semblait planer sur lâassemblĂ©e. Ă lâinstar de cette ambiance familiale que les dĂ©gustations de fromage dâaprĂšs-film faisaient ressentir. Il y en a pour qui observer, vivant, sur grand Ă©cran, ce quotidien apprĂ©hendĂ© dans son ensemble et mĂ©connu en son centre a suscitĂ© de vives rĂ©actions. Ils semblaient sâĂȘtre reconnus. CâĂ©tait exactement comme lors de ces grands banquets de villages ou ces comices. Ces rassemblements oĂč rires et larmes se mĂȘlent et oĂč le choix entre hĂ©donisme et Ă©picurisme sâimprovise sur lâinstant.
La passion du milieu agricole les lie les uns aux autres, des plus jeunes aux plus ĂągĂ©s. Comme vocation personnelle ou hĂ©ritage familial, le geste se rĂ©pĂšte de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration et de maĂźtres en apprentis. Câest en cela que lâon voit que câest dans la complexitĂ© la plus profonde et la difficultĂ© la plus intense de ce domaine que naĂźt la beautĂ© de ces images.
Mais dans ce monde, tout nâest pas beau. Parfois, les choses se meurent, se divisent, se brisent. Alors, Ă lâheure oĂč les campagnes se voient assiĂ©gĂ©es par les machines, oĂč tous les deux jours en France une vie paysanne se termine par choix, et oĂč prendre dâassaut le gouvernement en tracteur ne suffit pas, il y en a qui, par le cinĂ©ma, parviennent Ă exprimer ce que la douceur dâune vie des champs nâa dâĂ©gale quâune volontĂ© dâĂȘtre reconnue aux yeux de tous. Nâen dĂ©plaise Ă ceux qui pensent la campagne tel un territoire vide de toute vie pertinente, sachez que lâignorance de vos mots affirme la complaisance de vos maux. Car, quand la lĂ©gĂšretĂ© des espaces verts nourrit la plĂ©nitude de ces gens, on omet souvent, quand on y met les pieds, lâaccueil chaleureux et familier qui nous y est offert.
Dans ce film, le milieu agricole reprend ses droits et lâhonneur qui lui est dĂ». Un domaine sans lequel nul ne saurait vivre et qui, pour autant, est en train de se mourir. Trop peu considĂ©rĂ© par les plus Ă©levĂ©s, viendra le jour oĂč lâagriculture saura accepter de ces tĂȘtes butĂ©es mille excuses dĂ©vouĂ©es.
Pour donner Ă leur sujet lâimportance et le poids de leurs pensĂ©es, les Ă©crivains de ce rĂ©cit, Ă savoir Louise Courvoisier et ThĂ©o Abadie, ont brillamment su mĂȘler la gouaille Ă lâĂ©criture, en prenant en considĂ©ration, comme parti pris esthĂ©tique vouĂ© Ă rendre le film plus rĂ©el, lâaccent Ă lâinTotoneation. Alors, Ă travers ces moyens, lâhumour parvient, par des expressions propres Ă ceux qui les emploient, Ă laisser transparaĂźtre la fougue de cette jeunesse rurale et la bienveillance de ces adultes passionnĂ©s.
Comme tout bon repas qui arrive Ă son terme, rendons au temps du fromage son importance gustative. Vingt-Dieux que câĂ©tait bon ! Câest prĂ©cisĂ©ment ce que diront les amoureux du fromage aprĂšs avoir vu ce film, car parmi plus de 1200 variĂ©tĂ©s, le film rĂ©ussit Ă mettre en lumiĂšre le savoir-faire de celui que les Franc-Comtois dĂ©finiront comme Ă©tant le meilleur, et comme son nom lâindique, il importe de le nommer : le comtĂ©.
LâexpĂ©rience olfactive dont nous sommes les spectateurs nâest que le point de dĂ©part de ce quâest la sincĂ©ritĂ© Ă lâamour. Car la finesse de cette reprĂ©sentation du Jura nâest que pure humilitĂ©. Câest Ă©crit et rĂ©alisĂ© avec le cĆur, et ça se sent ! Louise Courvoisier a su mettre lâaccent sur la beautĂ© du milieu agricole dans son ensemble, et pour une fois au moins, ce qui fait la particularitĂ© des terres jurassiennes et de ceux qui y vivent est mis en valeur sans artifices ni mensonges. Câest clivant de vivacitĂ©.
La vivacitĂ© dâune jeunesse qui veut pouvoir se prouver Ă elle-mĂȘme quâelle mĂ©rite sa place dans ce monde oĂč ceux qui pensent sont ceux qui dĂ©cident. En rĂ©sulte alors la douce prouesse que de parvenir Ă rendre le Jura et ses petites vies aussi authentiques quâelles ne le sont dĂ©jĂ . Bravo.
Pensé et rédigé par Chloé Cluzel
Ătudiante en Master 1 en Recherches et Ătudes CinĂ©matographiques,
Université de Caen Normandie.