Boudu sauvé des eaux

JEAN RENOIR

Avec MICHEL SIMON, CHARLES GRANVAL, MARCELLE HAINIA, SEVERINE LERCZINSKA

  • 1932
  • 1h33

Dans Boudu, un libraire bourgeois mais fantasque aperçoit un
clochard qui se jette dans la Seine. Il le recueille chez lui au
grand dam de son épouse, laquelle finit pourtant par succomber
aux avances du vagabond. Michel Simon n’en est pas à sa
première cloche: il était déjà Pivoine dans le film inachevé du
même nom d’André Sauvage en 1929 et avait joué Boudu sur
scène, sans oublier l’épilogue de La Chienne pour lequel il avait
acheté à un clochard son costume, dûment lavé et repassé par
les petites mains du Studio Billancourt qui croyaient bien faire

Boudu s’ouvre sur un rêve éveillé du libraire. Faune dans une
idylle de patronage, il s’ébat avec sa bonne Anne-Marie, une
nymphe, au doux son de la flûte traversière dont joue son voisin.
Voilà comment les classes sociales s’attirent : le bibliophile
crève d’envie de faire entrer un peu de vie dans son arrière-boutique
confinée. Pourquoi secourrait-il un vagabond quand il le
voit se jeter dans la Seine sinon parce que, lui-même vagabond
du regard (il scrute des passantes à la longue vue), il reconnaît
en lui son double désinhibé, le satyre de sa rêverie costumée ?

Boudu, homme de plein air, modifie l’espace étriqué de l’appartement
: il entre sans gêne dans la chambre de Madame, met
sens dessus dessous l’intérieur bien ordonné. Renoir ajoute un
tour d’écrou au réalisme dans la séquence en extérieur où Lestingois
aperçoit Boudu au bout de sa longue vue. Tournée près
du Pont des Arts, cette scène quasi documentaire « utilise » une
foule visiblement attirée par le tournage. « Je me suis procuré
un objectif très long », raconte le cinéaste, « un de ces objectifs
qui servent en Afrique à filmer les lions de loin. Alors, au lieu
de filmer un lion, j’ai filmé Michel Simon. »

La caméra n’épouse jamais le point de vue de Boudu ; animal, il
reste impénétrable, marginal. C’est la principale subversion que
subit la pièce : dans le vaudeville, Boudu s’intégrait finalement
chez les bourgeois ; chez Renoir il ne fait que passer. Finalement
sauvé par les eaux, Boudu fausse compagnie aux Lestingois en
musique pour fêter ses noces sur les bords de Marne.

(Extrait du document édité par l’ADRC avec le soutien du CNC, en partenariat
avec les Cahiers du Cinéma.)