Holy Motors

Leos Carax

Avec Denis Lavant, Edith Scob, Eva Mendes

  • 2012
  • 1h55

De l’aube à la nuit, quelques heures dans l’existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille… M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier —mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l’immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l’action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?

Inspiré, farceur, douloureux, porté par cette liberté suprême apanage de ceux qui prennent le risque de ne pas plaire, le film frappe par son énergie insolente, sa rage iconoclaste, sa modestie naïve. Le film organise, avec une joie rimbaldienne et surréaliste, avec une cruauté tout droit venue d’Artaud, les rencontres de la beauté et de la laideur, de la crapulerie et de l’innocence, de la mélancolie et du nihilisme. C’est Boudu et une amazone, c’est un mourant et l’ange de la mort, c’est un papa et sa fille, c’est Lavant et Kylie Minogue sur le toit de la Samaritaine (lettre d’amour de Carax à Binoche). Si les références cinéphiliques sont nombreuses (les chronophotographies de Marey, les films de Feuillade, de Cocteau et de Franju), Holy Motors ne croule pas sous leur poids mais, espèce de grand film-vampire, les pille pour se nourrir de leur énergie. Ajoutons, enfin, que si le récit est fragmenté et segmenté, le film ne se regarde pas comme un film à sketchs, la fluidité onirique du montage lui conférant l’ampleur d’un rêve romantique et barbare. Long métrage d’une intensité renversante, Holy Motors est un de ces objets indéfinissables, capables de transformer durablement le medium auxquels ils appartiennent. C’est aussi le grand oublié du Festival de Cannes.

Sélection Compétition Officielle Festival de Cannes 2012

Film soutenu par le Groupement National des Cinémas de Recherche