La Nuit d’en face

Raoul Ruiz

Avec Christian Vadim, Sergio Hernandez, Valentina Vargas

  • 2012
  • 1h50

Trois âges d’un homme qui voit la mort venir s’entrecroisent A ses proches, à ses
amis, Raul Ruiz disait qu’il s’inspirait de contes d’Hernan del Solar, ou bien encore, aux
plus rusés, qu’il parlait de son enfance. Toutes ses fausses pistes n’avaient qu’un but :
semer des leurres, égarer ses proches, ne pas les inquiéter, ne pas les attrister. Raoul
Ruiz est décédé en août dernier. Il savait que La Nuit d’en face serait son dernier film, qu’il
nous y parlerait une dernière fois, d’outre-tombe, et qu’il n’y aurait pas d’autre film, de
lui, après. Son dernier film, émouvant et drôle à la fois, est à la mesure de sa pléthorique
filmographie : prolixe, proliférant, ébouriffant de maestria, semant au gré des plans
leurres et traquenards. Les histoires s’y mêlent, s’entrelacent, se contaminent. Le passé
embrasse le présent. D’outre-tombe les morts envoient leurs messages aux vivants. Il
est difficile de ne pas y voir un ultime pied de nez de Ruiz à la Camarde qui l’emporta,
à peine le tournage terminé.

Film posthume, La Nuit d’en face est aussi un éclat de rire
venu du ciel (ou de l’enfer) des cinéastes, une lettre d’adieu, un testament malicieux.
Elégie ou lettre aux vivants, La nuit d’en face est une leçon de deuil. Ruiz n’en finit pas
de s’y filmer mourir. Comme si la caméra permettait de sonder les lieux pâles où Ruiz
sait qu’on l’attend. La dernière demi-heure enchaîne les décès symboliques et toujours,
toujours, le film se poursuit, reprend – je ne suis pas mort, pas encore. Métaphores et
symboles continuent de se succéder avec fougue, languissamment, chacun pourrait
être le dernier. La nuit d’en face, ou comment border soi-même son linceul de cinéma,
quelque chose qui dirait : “je veux être enterré dans un film.” La mort est là, mais ce n’est
pas si grave, semble nous dire Ruiz, le dernier des Surréalistes, dans un ultime sourire.

Quinzaine des réalisateurs Cannes 2012

Film soutenu par le Groupement National des Cinémas de Recherche (GNCR)